Jean III de Grailly (le Captal de Buch)

Né en 1343 - mort à Paris, 1377.

Chef militaire, fils de Jean II de Grailly et de Blanche de Foix. Célébré par Froissart comme un parangon de vertu chevaleresque. A l’instar de ses ancêtres, il épouse avec ardeur la querelle anglaise contre la maison de France, si bien qu’Édouard III lui confie le comté de Bigorre et lui confère l’ordre de la Jarretière. Lieutenant du Prince Noir, il partage avec Chandos les lauriers de la bataille de Poi­tiers (1356). 

L’année suivante, il va guerroyer en Prusse avec son cousin Gaston Phébus ( voir ci dessous ). En 1364, du Guesclin le bat à Cocherel. ( voir ci dessous )

Après lui avoir fait promettre d’abandonner la cause anglaise, Charles V lui rend la liberté et, pour se l’attacher, lui donne la seigneurie de Nemours. Mais le captal ne tarde pas à regagner le parti qui fit la fortune de ses ancêtres. Cette attitude lui vaut d’être nommé en 1371, par Édouard III, conné­table d’Aquitaine. En 1372, près de Soubise, il tombe de nouveau aux mains des Français qui, cette fois, le gardent en prison, au Temple de Paris, où il mourra.

 

'' En Bordelais, le captal (capitaine) de Buch, Jean de Grailly, fonde en 1369 dix-huit chapellenies de lampes perpétuelles et demande la célébration de 50 000 messes. D'où le scandale des indulgences.''



Quinze jours après la clôture des États de Compiègne, une violente insurrection paysanne éclatait dan,, toute la région parisienne, dans l'Oise. Du coup, les deux princes menèrent pour une fois le même combat pendant quelques jours.

 Appelée la Jacquerie, à cause du surnom de Jacques que l'on donnait aux travailleurs des champs parce qu'ils portaient une « jaque ». vêtement court n'offrant aucune ressemblance avec jaquette officielle du XXe siècle, ce mouvement du haine de la paysannerie française était dirigé contre la noblesse responsable à ses yeux des malheurs dis royaume et de sa propre misère. Trop souvent victimes de ravages et de pillages causés par le passage des troupes sur leurs terres ou par les Compagnie sans emploi pendant les trêves, les Jacques se groupèrent en bandes armées pour se livrer à leur toue aux plus effroyables méfaits.

 A leur approche, manoirs et châteaux se vidaient. Plutôt que de griller vifs dans leur demeure après avoir subi les pires sévices décrits par tous les chroniqueurs de l'époque, les châtelains préféraient tout abandonner. Jeanne de Bourbon, épouse du Régent, première Dauphine de France, faillit tomber elle-même aux mains des Jacques avec sa fille, sa belle-fille, sa belle soeur et toutes les nobles dames résidant dans la citadelle du Marché de Meaux. Relié à la ville par un pont, le marché fut en effet attaqué par les Jacques qui avaient trouvé de nombreux sympathisants parmi les habitants de Meaux. La future souveraine et toutes les autres Jeunes femmes de son entourage furent sauvées grâce à deux chevaliers qui se trouvaient par la plus grand des hasards dans la région ce jour-là.

Jean de Grailly, captal de Buch, seigneur gascon fidèle au roi d'Angleterre par tradition familiale, et  Gaston Fébus, comte de Foix, prince tout-puissant du Béarn, s'arrogeant le droit de refuser son alliance aussi bien au souverain français qu'au monarque anglais, revenaient à cette époque d'une longue expédition an Prusse. De passage à Châlons-sur-Marne, ils se présentèrent à Meaux avec une quarantaine d'hommes qu'ils apprirent que la vie de la future reine de France et de plusieurs autres dames de haut bang était menacée. S'introduisant à l'intérieur de la citadelle, ils réussirent à attirer les assaillants dans un piège. Incapables de résister à des capitaines de envergure, les Jacques furent massacrés, tous les complices exécutés, la ville incendiée.

 La veille, Charles de Navarre s'était emparé d'un capitaine engagé par les Jacques, Guillaume Cale, dont les hommes encerclés par les Navarrais furent exterminés dans la vallée de l'Oise. La Jacquerie était matée, écrasée, mais le Régent savait que son pire ennemi n'avait bas encore perdu la partie. Tout en adressant de vifs reproches au roi de Navarre pour la violence de ses répressions contre la Jacquerie, le Prévôt des marchands le fit venir à Paris pour lui confier le commandement de la ville. Eloquent comme toujours, Charles le Mauvais s'adressa aux Parisiens pour leur jurer qu'il les garderait et les gouvernerait bien et loyalement

" Beaux seigneurs, le royaume est très malade, dit-il encore, et la maladie est bien enracinée et, pour cette saison, il ne peut être guéri de sitôt... C'est pourquoi il ne faut pas m'en vouloir si je n'apaise pas aussitôt son mal... car il faut du temps et de la peine. »

. Après avoir sauvé la vie de la reine de France et des autres nobles dames assiégées.,avec elle par les Jacques l'année précédente dans: Marché de Meaux, le Captal, qui avait commencé à regagner ses domaines, était reparti pour Londres où il avait été fait chevalier de la Jarretière. Muni d'un sauf-conduit fourni par Charles de Navarre, il avait,débarqué à Cherbourg avec cent hommes d'armes au commencement du mois d'octobre, pour prends le chemin d'Evreux où, disait-on, l'attendait une r cesse très éprise de lui. D'après Froissart, de tendres liens s'étaient noués entre Jeanne de Navarre et le captal de Buch. Il s'agissait certainement de la jeune et très jolie Jeanne de Navarre, soeur de la reine Blanche, et non de l'autre Jeanne de Navarre, veuve de Charles IV le Bel dont, il est vrai, l'âge n'avait pas encore altéré la beauté. La hâte de retrouver sa bien aimée n'empêcha pas le Captal de prendre au passage,la forteresse de Clermont en Beauvaisis. Il s'y installa. et il n'en sortait que pour entreprendre des expéditions: favorables au projet d'Édouard III.

Bertrand, qui le fera prisonnier cinq ans plus tard à Cocherel et qui sera ensuite son prisonnier après la bataille de Najera gagnée par le Prince Noir en Espagne, n'eut pas l'occasion de se mesurer à lui en 1359
 
Heureux d'avoir revu sa fiancée, la jolie Jeanne de Navarre, sûr de lui malgré sa déception de n'avoir pu traverser la Seine pour déjouer la surveillance de l'ennemi, Jean de Grailly sortit de Vernon dans la matinée du 14 mai pour reprendre le commandement de son armée en compagnie de Jean Jouël, le défenseur de Rolleboise, et du Bascon de Mareuil, le farouche ennemi de Bertrand du Guesclin. Tout en chevauchant direction de la vallée de l'Eure, les trois hommes .~ demandaient où pouvait bien se trouver le Breton , ils se méfiaient à juste titre. Ils savaient que Bertrand avait quitté Rouen, mais ils ignoraient qu'il rapprochait dangereusement d'eux.

En effet, tandis que Jean de Grailly festoyait à Vernon, Bertrand du Guesclin, le comte d'Auxerre et son frère, dit le Comte Vert, Arnaud de Cervole, l'Archiprêtre - venu se mettre au service du roi pour combattre une fois de plus les partisans de Charles de Navarre -, et les autres grands seigneurs qui avaient rejoint Bertrand avec leurs troupes avaient atteint l'abbaye de La Croix Saint-Leufroy, située à une quintaine de kilomètres de Vernon.

Dans la matinée du 14 mai, rangés en trois « batailles » - ainsi appelait-on un bataillon au Moyen Age les quinze cents hommes rassemblés autour du capitaine breton cheminaient le long de la vallée de l'Eure cn direction du petit village de Cocherel bâti sur la rive droite de cette rivière, à une lieue de Pacy-surEure. Les paysans conduisant leurs bêtes aux champs, les femmes portant leur linge à laver près du petit pont de Cocherel regardaient approcher ces centaines de cavaliers. Peut-être reconnurent-ils la bannière marquée de l'aigle à deux têtes de Bertrand du Guesclin ? Tandis que les hommes de Bertrand et ses officiers se répandaient dans la plaine dite le Pas de Cocherel, au lied d'une colline dominant la vallée, Arnaud de Cervole décida d'envoyer son héraut, curieusement nommé Prie, au captal de Buch. Gascon, l'Archiprêtre avais soudain des scrupules. Il voulait combattre les Navarrais qu'il haïssait pour le bien du roi de France qu'il vénérait, mais il répugnait à prendre les armes contre Jean de Grailly, captal de Buch, seigneur gascon malgré ses origines savoyardes.

Portant la bannière aux armes de l'Archiprêtre, le- héraut Prie partit donc à la recherche du Captal. F n cours de route, raconte Froissart, il rencontra un autre héraut. C'était Faucon, dit le roi Faucon, héraut du roi d'Angleterre; il arrivait de Paris où il avait accompagné le corps du roi Jean. Comme la plupart des hérauts d'Édouard III, il était aussi un de ses messagers, c'est-à-dire qu'il appartenait à ce corps d'élites des "King's Messengers  "qui, sous couleur d'accomplir des missions officielles, étaient tous d'audacieux, et remarquables agents de renseignements, véritable,. ancêtres des agents du moderne Intelligence Service C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner de la présence de Faucon dans la vallée de l'Eure à la veille d'une bataille devant opposer les alliés de l'Angleterre à uni armée française.

Le héraut de l'Archiprêtre confia au héraut Faucon le but de sa mission: obtenir du captal de Buch un entretien pour son maître Arnaud de Cervole, présentement aux côtés de messire Bertrand du Guesclin, chambellan du roi de France, capitaine de cette armée qui voulait se mesurer à celle du seigneur gascon, défenseur des partisans du roi de Navarre en Normandie. Faucon, qui savait parfaitement où retrouver le Captal, dit au héraut de l'Archiprêtre de l'attendre près de la haie où ils venaient de se rencontrer. Fonçant au galop, il prit alors la direction d'un petit bois d'où le Captal et son armée devaient sortir pour traverser l'Eure et regagner Evreux. Apercevant la bannière aux armes du roi d'Angleterre, reconnaissant la silhouette de Faucon qu'il avait vu très souvent auprès d'Edouard IIII, du Prince Noir ou de Jean Chandos le héraut, Jean de Grailly lui fit des grands signes, lui dit d'approcher. Très heureux de (voir Faucon en ce lieu assez mal connu de lui, le Captal lui demanda plusieurs renseignements. Avant lut, il voulait savoir où étaient les Français. « Mon leu, Monseigneur, je les ai quittés ce matin et je lis qu'ils ont le grand désir de vous trouver », répondit Faucon qui ajouta: « Ils ont passé Pont-de I'arche et Vernon et sont maintenant, je crois, près de Pacy. » - « Avec quels capitaines, dis-le moi, je t'en prie. - « Mon Dieu, Monseigneur, ils sont mile cinq cents et tous bons gens d'armes. Il y a messire Bertrand de Claquin. » Ainsi Froissart, qui rapporte le dialogue dans ses chroniques, orthographie-t-il ici le nom de Bertrand. Faucon donna ensuite au Captal les noms des autres officiers se trouvant auprès de du Guesclin.

Quand il apprit la présence dans l'armée française plusieurs seigneurs gascons de haut lignage, Jean de Grailly ne dissimula ni sa déception ni sa colère. Quoi ? les sires de Mussidan, Pommier, le soudan de La Trau qui, tous, s'étaient battus à Poitiers pour le Prince Noir avaient changé  de camp ? Froissart prête alors cette phrase de Grailly: « Gascons contre Gascons s'éprouveront" En fait, il semblerait, d'après un autre texte écrit en langue d'oc que, désolé, le Captal se serait fié : « Mon Dieu! Par la tête de saint Antoine, des gascons contre des Gascons, c'est du fratricide!» En revanche le Captal ne fut guère ému par les scrupules de l'Archiprêtre. Certain que ce dernier voulait seulement envoyer son héraut dans son camp pour espionner au profit des Français, Jean de Grailly refusa de recevoir le nommé Prie. Il chargea Faucon lui dire qu'il refusait également tout entretien avec Archiprêtre. Tournant bride, Prie s'en alla transmet Captal à son maître, tout en lui donnant quelques renseignements glanés au cours de l' expédition. Il avait su entre autres que l'armée du Captal de Buch comptait plus de deux mille hommes. Ne tenant aucun compte des remarques désagréables du Captal, Arnaud de Cervole s'obstinait à ne pas voie loir se battre contre lui. Laissant le commandemeint de ses hommes à d'autres capitaines, il tourna le dos à Cocherel pour regagner la Bourgogne.

A l'aube du mercredi 15 mai, tandis que Bertrand du Guesclin, ses officiers et leurs quinze cents hommes se rangeaient à nouveau en ordre de bataille dans le champ de Cocherel, ils virent soudain la colline se couvrir d'une carapace d'armes et d'armures luisant sous les premiers rayons du soleil levant. Evaluant fort bien son avantage, Jean de Grailly attendait. Prudent, il avait mis chevaux et vivres à l'abri dans un petit bois, sous la garde vigilante d'un bon nombre de pages, de cuisiniers et de varlets, c'est-à-dire de valets d'écurie préposés aux soins des chevaux. Le Captal commandait la deuxième bataille, alors que la première, uniquement composé d'hommes d'armes anglais et d'archers gallois, avait Jean Jouël pour chef; le gascon de Mareuil se trouvait à la tête de la troisième.

Immobiles, attendu les ordres, les Navarrais observaient les Français. Au fil des heures, l'intensité de la chaleur du soleil augmentait. Heaumes, bassinets, cottes de mailles et plaques, de métal se transformaient en bouillottes difficilement supportables. De temps à autre, note Froissart, un chevalier ou un homme d'armes tirait un petit flacon de vin de dessous sa tunique pour le boire d'un seul trait. Bertrand du Guesclin envoya un héraut au Captal « pour lui demander bataille » et lui dire qui . pour cela, il l'attendait dans la plaine; il lui fit aussitôt savoir que, si « Jean Jouël ou un autre de ses capitaines voulait descendre pour faire un coup de lance, trouveraient des chevaliers qui les recevraient ».apprenant que le Captal ne bougerait pas de son perchoir, Bertrand apprit par ailleurs que l'armée de Navarre allait bientôt se trouver renforcée par l'arrivée imminente de Louis de Navarre. Le plus jeune frère i Charles le Mauvais devait en effet rejoindre Grailly avec trois cents lances, c'est-à-dire avec neuf cents hommes. Car une « lance» ou plutôt un chevalier porteur d'une lance était toujours accompagné de deux écuyers......

mais la bataille tourna au mieux pour du Bertrand du Guesclin....

Laissant le Captal de Buch et ses autres prisonniers de Marque au Château de Rouen, Bertrand du Guesclin se rendit à Saint Denis,le 27 mai 1364 .....


Et c'est dans la cathédrale de Rouen ,que Bertrand du Guesclin remit le Captal de Buch et Pierre de Sacquenville a Charles V .

Le Captal prit pour acte authentique l'engagement de se comporter en bon et loyal prisonnier à Meaux qu'il avait délivré des Jacques, six ans avant .....

Pierre de Sacquenville eut moins de chance ,il fut décapité...